Le discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe, prononcé à la Sorbonne le 26 septembre, s’inscrit dans la logique de destruction de notre industrie et de notre travail humain qui nous est infligée depuis plus de trente ans.
L’on ne peut donc accuser le président de la République et ses marcheurs d’en être les seuls responsables mais on doit constater que leur « changement » n’est qu’un exercice de « com ».
La réalité est que ce qu’on a appelé tour à tour « l’oligarchie des incapables » ou la « caste cannibale », entre partenaires du public et du privé, a suivi un plan précis. Faire de la France un Etat voué à la finance, au tourisme, aux services et aux « industries pure players et start ups », au sein d’une Union européenne devenue relais de la mondialisation financière.
Le bradage d’Alstom, bien décrit par Jean-Michel Quatrepoint, n’est qu’un reflet sur le mur de la caverne d’une politique globale. Après avoir livré le secteur Energie de l’entreprise à l’américain General Electric (GE), aujourd’hui sa branche Transport tombe sous le contrôle de Siemens.
Auparavant, Patrick Kron avait vendu les Chantiers de l’Atlantique au norvégien Aker Yards, l’ayant revendu à son tour au coréen STX, aujourd’hui livrés, après une nationalisation de façade, à l’italien Fincantieri (accord « à 50-50 » mais avec un 1 % sous son contrôle « conditionnel »).
Bref, Alcatel-Alstom, puissant conglomérat constitué en quelques décennies, se trouve démantelé en quelques années. Avec pour conséquence la mise sous tutelle de fait de notre marine par l’américain Carnival, principal client de Fincantieri, et surtout la dépendance envers le groupe GE concernant des pièces détachées essentielles pour notre porte-avions, nos sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) et notre industrie nucléaire en général.
Certes, le maintien de la main d’œuvre existante a été promis mais cette promesse a aussitôt été trahie dans le cas de GE. De notoriété publique, Patrick Kron a été soumis aux pressions des autorités américaines pour des faits de corruption, auxquelles nos autorités n’ont pas résisté, alors que ces pratiques sont généralisées. Surtout, ni Alstom Energie ni Alstom Transport n’avaient été pourvus par l’Etat des moyens financiers pour combattre dans le cadre de « marchés libres et non faussés... »
Pouvait-on faire autrement ? Arnaud Montebourg a raison de l’affirmer : dans le cadre d’un accord avec Siemens, on lui aurait vendu l’énergie sauf le nucléaire et en contrepartie, nous aurions acquis le ferroviaire et la signalisation. Au lieu de cela nous avons de fait tout perdu, y compris le contrôle du futur train à hydrogène.
Pire encore, après Alcatel vendu à Nokia, Lafarge à Holcim et Technip au texan FMC, c’est maintenant Airbus lui-même, Sanofi, Areva et la Société générale qui risquent de tomber sous le coup d’accusations de corruption des « juges » américains !
Cependant, Arnaud Montebourg a également tort : c’est toute une politique « globale », à laquelle il a lui-même participé (avec l’excuse d’avoir été trompé par François Hollande) qu’il faudra changer et pas seulement son versant industriel.
Si l’on veut en effet entraîner l’adhésion des Français, cette « adhésion du sentiment » dont parlait le général de Gaulle, il faut une politique de respect et d’essor du travail humain.
Or ce gouvernement veut surtout faciliter les licenciements, comme le recommandent le FMI et la Commission européenne, donner priorité aux emplois peu qualifiés, supprimer des emplois aidés, mettant ainsi en difficulté collectivités territoriales, associations et services publics, et enrichir les riches en vidant l’ISF de sa substance et en inventant une « flat tax » à la Margaret Thatcher.
Le discours européen de Macron doit être lu à l’aplomb de ce désastre. Les belles paroles masquent des « deals » que ni l’Allemagne ni les mégabanques ne vont accepter. Reste la « dissuasion du faible au fort » que j’ai défendue en 2013, pour une vraie réforme bancaire, et que je propose depuis plus de trente ans.