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Prométhée

jeudi 25 septembre 2014

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L’édito de Jacques Cheminade

Le monde est entré dans un temps de tumultes, un temps où des hommes et des femmes de caractère devraient être là pour relever le défi de circonstances nouvelles, imprévisibles suivant les schémas réducteurs du passé. Or on ne trouve que ce que le docteur Joanne Liu a appelé la « coalition de l’inaction » pour désigner le crime d’omission de la communauté internationale confrontée à l’épidémie d’Ebola.

Récapitulons ce qui constitue la trame de ce temps.

Au cœur de notre système sévit une oligarchie de faux monnayeurs échappant à tout contrôle des Etats-nations et de leurs peuples. La BCE déploie l’arme des mégaprêts aux mégabanques et organise l’achat de créances titrisées (agglomérées en titres uniques) en faveur des établissements financiers de la zone euro. En un mot, elle poursuit une stratégie qui n’a pas marché et ne marchera pas pour relancer les économies, mais sauve les mégabanques ! On évalue le cadeau total à 1000 milliards d’euros, qui prend le relais des 1000 milliards d’euros déjà accordés aux mêmes en deux prêts, fin 2011 et début 2012. Les banques jouent sur des plateformes alternatives, hors de tout contrôle public, sur lesquelles les initiés gagnent toujours dans des opérations passées à la vitesse de la lumière, ou bien achètent des obligations d’Etat à un taux supérieur à celui auquel la Banque centrale leur a prêté ! Ainsi fonctionne un système qui dépouille les travailleurs et les classes moyennes des pays occidentaux, en leur imposant une politique d’austérité et en concentrant les richesses sur moins de 1 % des populations. Il n’a tenu que par le crédit à la consommation et l’exploitation des pays du Sud. Il ne peut durer sans provoquer des krachs économiques, car les entreprises productives en sont victimes, ou des insurrections sociales, en raison des inégalités croissantes qu’il engendre.

C’est en prévision de cette situation qu’a été mis au point un état de contrôle policier, de bourrage de crâne et d’action militaire sans précédent dans l’histoire : écoutes, écrans saturés de violence et drones porteurs de mort à distance. Cependant, cela ne suffisant pas, le pillage financier doit être étendu partout pour nourrir le nouveau Moloch : c’est l’explication de ce qui se passe en Ukraine, une « géopolitique de l’humiliation d’autrui », comme l’a analysé Jacques Attali, dont « une troisième guerre mondiale serait la conséquence naturelle ».

L’épidémie de l’Emirat islamique en Asie du Sud-ouest et celle d’Ebola en Afrique occidentale ne sont que des symptômes du chaos que secrète ce système, un système impérial qui tue, comme l’a qualifié le Pape.

Alors, pourquoi aucun dirigeant officiel ne propose-t-il pas une politique claire et efficace pour en sortir ? Beaucoup accumulent des critiques qui sont justes, mais aucun ne propose un horizon redonnant priorité à la création humaine. Car tous, relevant d’institutions établies, sont englués dans la pratique du système comme des mouches dans une toile d’araignée.

C’est donc un nouveau type d’hommes et de femmes qui, ensemble, doivent se battre pour bâtir un monde où l’on puisse vivre, en se libérant de la culture de la mort dominante. Des êtres humains capables de concevoir, comme l’a exprimé le Premier ministre indien Narendra Modi le 15 juillet à Fortaleza au nom des BRICS, « un groupe de pays en fonction de leur potentiel futur plutôt que de leur prospérité actuelle », « un groupe ouvert à tous ».

Se situer ainsi dans le futur, c’est relever le défi prométhéen. Car Prométhée signifie « le prévoyant », celui qui « réfléchit avant » sur la conséquence de ses actes et prend le risque d’offrir aux hommes le feu, c’est-à-dire « l’usage de leur intelligence créatrice », contre Zeus, qui veut anéantir notre espèce. Le moment est de transmettre ce défi aux autres. Cela s’appelle la politique.


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