Paris, le 30 août 2013 – Nous avons fêté avant-hier le cinquantième anniversaire de la marche sur Washington, organisée par Martin Luther King le 28 août 1963. Barack Obama a cru bon de rendre hommage aux opprimés et aux offensés du Mouvement des droits civiques en déclarant : « Face à la violence, ils se levèrent et résistèrent avec la force morale de la non violence ».
Mais Barack Obama se prévaut de l’exemple de King tout en préparant une intervention militaire en Syrie. François Hollande entend de son côté punir Bachar al-Assad pour avoir fait usage d’armes chimiques. Il est scandaleux de voir qu’on puisse en être arrivé là, en jouant sur des émotions entretenues par les médias pour justifier une politique de la canonnière dopée par des missiles de croisière. Un certain nombre de choses méritent d’être clairement dites :
- Le recours à des armes chimiques est bien entendu une abomination, mais il reste à prouver qui en a fait usage. Notre ministre des Affaires étrangères dit bien que « les armes chimiques ont été utilisées par le régime », mais sans en apporter publiquement les preuves, alors qu’il assure en avoir et que la mission de l’ONU ne s’est pas encore prononcée. David Cameron, le Premier ministre britannique, a lui-même affirmé qu’ « au bout du compte, il n’y a pas encore certitude à 100% de savoir qui est responsable » . On sait qu’Al Qaïda a également bénéficié de telles armes, livrées avec le soutien de nos alliés Qatari et Saoudiens.
- Le « droit de punir » n’existe pas en droit international et encore moins pour être exercé par un quarteron d’Etats suivant leur bon plaisir. « Passer outre » le Conseil de sécurité des Nations unies revient à se situer en dehors du droit. Evoquer l’Article 5 de la Charte de l’Otan, organisation qui par ailleurs est elle-même divisée, revient à pratiquer les mœurs de la guerre froide et créer une situation semblable à celle de la crise des missiles de Cuba ou des coups montés, comme la provocation navale américaine de la Baie du Tonkin, qui déclencha la guerre du Vietnam, ou l’existence des armes de destruction massives attribuées à Saddam Hussein.
- Les Etats-Unis et la Grande Bretagne, qui organisèrent le recours aux armes chimiques par l’Irak de Saddam Hussein contre l’Iran, sont une autorité pour le moins douteuse dans ce domaine.
- La « responsabilité de protéger » évoquée par François Hollande suppose un pouvoir néfaste s’en prenant à un peuple innocent, et que l’on aurait la capacité d’arrêter. En Syrie, la confusion qui règne, la nature de l’opposition et ses exactions font qu’évoquer ce concept est une tromperie, car on n’est capable de protéger personne dans cette affaire.
- Que la France prétende soutenir les éléments démocratiques de l’opposition syrienne serait légitime, mais qu’elle décide, sans en avoir par ailleurs les moyens, qu’Al Assad et les représentants iraniens ne pourront pas faire partie de la négociation revient à la saboter. Laurent Fabius, en particulier, encourage ainsi de fait les groupes les plus radicaux, qui propagent le chaos.
- François Hollande ne prétend soutenir qu’une intervention ponctuelle, limitée et ciblée et se déclare « hostile à une intervention qui viserait à libérer la Syrie ou à renverser le dictateur ». Prétendre en rester là, c’est évidemment prendre ses désirs pour la réalité ou faire preuve d’un suivisme cynique à l’égard de Barack Obama.
- De plus, après le rejet par la Chambre des communes de la motion de David Cameron qui défendait le principe d’une intervention militaire en Syrie, ce dernier a immédiatement annoncé « qu’il tirerait les conséquences de ce vote. » La Grande Bretagne se déroberait de cette façon, laissant faire seuls le sale travail aux Etats-Unis de Barack Obama et à la France de François Hollande.
- Pire encore en ce qui nous concerne, François Hollande, dans l’interview qu’il vient de donner au Monde , n’exclut pas une intervention avant le mercredi 4 septembre, donc avant le débat sans vote dans notre Parlement.
Alors que les intérêts vitaux de notre pays ne sont évidemment pas menacés, et que l’on ne peut évoquer l’argument de l’urgence face à un régime dont la brutalité est connue depuis des décennies, ce manque de respect pour nos institutions est de nature à les faire encore davantage dégénérer dans une sorte de césarisme que François Hollande dénonçait naguère chez Nicolas Sarkozy. Sans ajouter que, selon une enquête de l’IFOP, 59% des Français sont opposés à un engagement de la France.
Bref, le gouvernement français s’engage ainsi bel et bien dans une aventure qui peut embraser toute la région, conduire à une situation dramatique pour tous les chrétiens d’Orient et dégénérer de proche en proche dans un affrontement thermonucléaire. Non, non, diront les bons esprits, jamais l’on ne saurait en arriver là. Les mêmes bons esprits, que j’ai rencontrés en 2007, m’assuraient que jamais la crise financière ne s’étendrait en Europe, car les marchés s’autorégulent automatiquement et que nous possédons les coussins amortisseurs nécessaires pour protéger l’euro. On a vu ce qu’il en était. Cette fois, sans qu’ils en soient conscients, les Dr Coué risquent de se transformer en Dr Folamour. Au nom de Martin Luther King, je les mets en garde contre une violence qui s’ajoutant à la violence mène à un surcroît de haine destructrice.
Voir aussi le communiqué de Solidarité & Progrès Syrie : arrêter la machine infernale de la guerre.